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22 novembre 2023

Vivre l'histoire au plus proche pour mieux prendre modèle

 

Les collégiens de Lamarche ont travaillé sur le parcours historique et mémoriel de résistants locaux, en particulier celui d’Addi Bâ, tirailleur guinéen résistant, dont on commémorera bientôt l’assassinat, le 18 décembre 1943 à Épinal. Une démarche pédagogique concrète, soutenue par la section des Vosges et labellisée L’Honneur en action, pour faire comprendre aux élèves l’intérêt de connaître l’histoire et ses figures héroïques, comme autant de modèles pour les générations suivantes.


Il pleuvait des cordes ce 9 mai, mais la pluie n’a pas empêché la tenue de cette inauguration qui a réuni quelque 300 personnes. Un moment solennel pour la population et les collégiens de Lamarche, venus assister à l’installation du premier panneau d’un parcours-souvenir dédié à Addi Bâ, jeune Guinéen installé à Tollaincourt, non loin de Lamarche, devenu un pilier de la Résistance locale.

Cette date n’a pas été choisie au hasard. « Après le jour férié du 8 mai, nous trouvions important que les élèves comprennent pourquoi nous ne travaillons pas ce jour férié. Ce n’est pas juste un jour de vacances, c’est aussi une journée pour se souvenir, témoigne Laure Colin-Berbiguié, principale du collège de Lamarche. Avec l’équipe, nous estimions que cette date avait du sens pour les élèves. La manifestation met en avant le travail des élèves. »

Le matin, les élèves ont regardé le film réalisé par Manon Deliot sur Roland Thomas, 18 ans en 39 (La Cohorte n° 248, décembre 2022). Les élèves ont échangé avec le résistant déporté du maquis de Grandrupt, âgé de 102 ans. Puis les collégiens ont rejoint le centre-ville où d’autres élèves, notamment de l’école primaire de Lamarche et du collège voisin de Monthureux-sur-Saône, les attendaient, ainsi que les représentants des associations d’anciens combattants (Souvenirs français, Office national des combattants et des victimes de guerre (ONaCVG) et de la section des Vosges de la SMLH, des Jeunes sapeurs-pompiers, le président de l’association du Château vert, Étienne Guillermond, bien connu des élèves.

En effet, ce journaliste, passionné d’histoire locale s’est particulièrement intéressé au parcours d’Addi Bâ et a écrit un ouvrage sur ce Guinéen venu en France avec une famille française, puis engagé dans l’armée avec les tirailleurs sénégalais. Il s’installe ensuite dans les Vosges où il travaille dans une exploitation agricole. Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, il construit avec Marcel Arburger, autre figure locale, un réseau de Résistance.

À partir des témoignages et des archives

Le journaliste intervient tous les ans au collège de Lamarche, auprès des élèves de 3e. L’inauguration de ce parcours est l’aboutissement de plusieurs années d’investissement. Les élèves ont ainsi travaillé à partir des sources du journaliste ou de cartes postales... Chaque panneau comporte des informations sur un aspect de la vie d’Addi Bâ et un Q/R code permet de voir ensuite les vidéos enregistrées par les élèves. Ce projet d’envergure, porté par Étienne Guillermond et les enseignants du collège, soutenu par la SMLH des Vosges, a été labellisé L’Honneur en action et bénéficié consécutivement d’une subvention de la SMLH : « c’est une aubaine pour notre jeune association, témoigne le journaliste. Cette somme nous a permis d’avoir une assise financière pour commencer à travailler. C’était inespéré dans la jungle des demandes de subvention ! »

Le parcours sera entièrement terminé avec les neuf panneaux cette fin d’année, pour les quatre-vingts ans du décès d’Addi Bâ, fusillé à Épinal le 18 décembre 1943. Le journaliste a travaillé sur le contenu des panneaux et les élèves ont élaboré les vidéos avec l’aide d’une vidéaste, Charlotte Nicolle.

Des héros proches des collégiens

Pauline, 15 ans, en 3e pendant l’année 2022-2023, a été touchée par le parcours d’Addi Bâ : « Il était courageux de résister. Pour nous, les jeunes qui n’ont pas connu la guerre, on se demande toujours ce qu’on aurait fait à leur place. C’est facile de juger aujourd’hui et de se dire que, bien sûr, on se battrait, mais comment savoir réellement ? »


Pour Kyllian, 14 ans, également ancien élève de 3e, « ce travail de recherche et d’écriture change notre manière de voir l’histoire : nous avons l’habitude de lire ces récits dans les livres, mais cette fois, les héros sont proches de nous, appartiennent à l’histoire locale. »

Le journaliste Étienne Guillermond est bien d’accord, lui-même a commencé à s’intéresser à Addi Bâ car il venait de Tollaincourt, comme lui. « Clairement, aller sur place, découvrir les héros locaux changent le regard sur l’histoire. Ils sont plus concrets pour les élèves. C’est stimulant de voir que plusieurs générations de collégiens sensibilisés à l’histoire d’Addi Bâ et au maquis de la Délivrance s’approprient cette histoire locale. »

Faire se rencontrer les générations

Le projet est porté financièrement par l’association Le château vert qui vise à faire la promotion du patrimoine culturel, historique et naturel de l’ouest vosgien. Car le journaliste, à l’origine de l’association, ne veut pas se contenter de parler du tirailleur guinéen, car « d’autres figures locales méritent aussi de l’attention ».

« Nous avons présenté le parcours de Pauline Mallière, une résistante de 39-45 de notre région, lors du Concours national de la Résistance et de la Déportation, témoigne Lily-Jeanne, 14 ans, ancienne élève de 3e. Nous avons étudié des documents et ensuite raconté son histoire en “Stop Motion” avec une voix – off. Son histoire est étonnante. Elle était enseignante, censée respecter la loi et faire régner l’ordre, en tant que fonctionnaire. Pourtant, pendant la guerre, elle n’a pas suivi les règles et elle a contesté la loi de Vichy. »

Le collège de Lamarche a été distingué au niveau départemental lors du Concours national de la Résistance et de la Déportation. Leur enseignant d’histoire, Nicolas Salze, qui les a accompagnés tout au long de la préparation du concours, collabore avec Étienne Guillermond sur ces projets : « Ils créent une dynamique chez les enseignants. On sort des murs du collège, pour porter leur travail à l’extérieur de l’établissement, vers la population locale. » En septembre, pour les journées du patrimoine, une marche a eu lieu avec des personnes âgées et des collégiens. Il confirme tout l’intérêt « de faire se rencontrer les générations autour de l’histoire locale. »

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